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 La mort de mon optimisme. (2)

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Abraxas
Poète des sables
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Abraxas


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MessageSujet: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitimeLun 31 Mar - 17:44

Les semaines passaient, et je suis retourné à l'école, mais tout était différent, le monde entier était différent, incolore, inodore, insipide...Mort.
J'enviais les clochards que je croisais le long des trottoirs, j'voulais être comme eux, tout en bas. J'voulais que les gens me regardent avec mépris, j'voulais faire la manche dans le froid, me faire tabasser par des cons dans les couloirs du métro, puis crever. Mais j'étais trop lâche.

Personne n'aime l'école, en tout cas c'est ce que tout le monde dit, moi je la haïssais, et pas seulement elle, mais ce qu'elle renfermait. Il y avait des gens dont la moindre parole me donnait envie de les tuer. Je les haïssais, tous autant qu'ils étaient. Et chacun pour une raison qui lui était propre. Leurs gestes, leurs fausses gentillesses, leurs sourires... Mais ce que je haïssais le plus c'était leurs regards. En biais. Avec un mépris discret, caché, mais intentionnellement blessant. Ils ne me blessaient pas, c'est moi qui les blessais...qui les tuais...dans mon grand phantasme.
Ta mort m'a traumatisé, le vide que tu as laissé m'a traumatisé, maintenant les gens vides m'inspirent de la haine, ils parlent comme le vent, mais un vent glacial, coupant, dont ressort toute leur laideur, le gens sont moches.
J'voudrais qu'ils meurent tous, puisque mort tu l'es bien toi.

Au début, une semaine après ta disparition, peut-être deux, tous les professeurs étaient compatissants, ils comprenaient que je puisse ne pas avoir envie de travailler. Mais la gentillesse fatigue. Un mois seulement après un responsable est venu me parler, responsable ça veut dire "qui sait ce qui est bon pour toi", il m'a dit qu'il était temps de faire le deuil de toi, je devais garder un joli souvenir et le caser sur l'étagère de ma mémoire, comme un bibelot. T'es pas assez kitsch. Il comprenait pas.

Ce soir là j'ai eu envie de me balader dehors, dans le noir le monde est bien plus beau, on ne peut pas voir tous ses défauts, alors on le déteste un peu moins. Je marchais d'un pas très lent, rien ne me pressait, il me restait encore tellement d'années avant de mourir, alors à quoi bon courir ? Après m'être arrêté devant le cimetière j'ai décidé de continuer, j'ai marché jusqu'au carrefour, là ou se trouve notre ancienne école, si calme dans l'ombre, mes souvenirs résonnaient, j'ai encore pleuré.

Et dans cette nostalgie déchirante, j'ai soudain été réveillé par un claquement de porte qui venait de derrière moi, il y avait du monde dans le club des jeunes, j'ai regardé cette sorte d'homme des cavernes marcher en titubant puis pisser sur une voiture, il rigolait, ça l'éclatait de commettre ce petit acte de vandalisme, à moins que ce soit sa voiture sur laquelle il se vidait... Quand il m'a vu, il m'a appelé comme j'en ai l'habitude, d'une phrase bien complète : "Eh la fille!". Il en faut peu pour troubler un simple d'esprit, mes cheveux font l'affaire. Comme je n'avais pas envie de parler à qui que ce soit, et donc surtout pas à cette masse difforme, j'ai fait demi-tour. Mais j'ai encore entendu cette voix pleine de clope qui gueulait après moi, qui me menaçait même "Eh réponds moi, ou j'te pète la gueule !". J'ai continué. Il a couru, et s'est étalé comme un merde. C'est en tout cas ce que le son de sa chute m'a inspiré, car je n'ai rien vu. Pourquoi me retourner?

Arrivé chez moi, j'ai bu un verre d'eau puis me suis écrasé sur mon oreiller, il y avait encore plein de souvenirs qui m'assaillaient dans le très fond de mon lit. J'me suis rappelé toutes ces soirées au club où je n'allais que pour te voir, où je supportais ce tas de stéréotypes tonitruants qui me donnait plus envie de vomir que les bières que je buvais. L'alcool c'est magique, ça peut rendre heureux, triste, et même amoureux! Moi je buvais dans un seul but : avoir la tête qui tourne. Je m'allongeais ensuite à chaque fois sur le sol pour voir les étoiles tourner, je te disais "Regarde, c'est trop beau !" et toi tu riais "T'es trop fort Max."
T'es derrière quelle étoile toi maintenant?

Le lendemain matin j'ai appris par ma mère pourquoi il y avait des gens dans la salle la veille, "Ils préparent le Grand Feu, c'est ce soir tu devrais y aller, ça te changera les idées !" Maman s'en faisait pour moi depuis ta mort, elle voyait bien que je n'allais pas bien, je ne riais plus, je mangeais à peine et je restais enfermé dans ma chambre, sans musique. Alors pour lui faire plaisir, j'y ai été, vers vingt heures ce soir là j'ai mis ma veste, mon écharpe et suis sorti. Il y avait une certaine animation dans la rue qui menait à l'évènement, pour certains le grand feu est l'occasion d'inviter la famille à manger,sourire aux gens qu'on déteste bien qu'on ne les voit que deux ou trois fois par année, c'est juste histoire de se donner une bonne raison d'offrir des cadeaux à Noël, et de se donner bonne conscience pour en recevoir. Du business, la famille c'est du business. J'me suis arrêté à distance convenable du feu, histoire de le voir sans que les gens autour ne me remarquent, une dizaine de mètres quoi. Il fallait les voir les gens autour du feu, tous bavant et beuglant devant cette poupée de chiffon qui se démembrait sous la violence des flammes, ils ont besoin de ça les gens, qu'on détruise pour eux, parce que eux ce sont des gens bien, on ne peut rien leur reprocher. Et ils étaient là, les jeunes hurlant des insultes, les vieux les disant à voix basse, ce n'est qu'histoire de générations. Après tout la seule chose qu'on apprend en vieillissant c'est se méfier un peu plus des autres. Moi j'étais encore jeune, je ne me méfiais pas, je haïssais, c'est différent. De toute façon tout le monde le sait, ce genre de rassemblement ne sert qu'au commérage, on imite une fausse chaleur humaine, on se serre la main, on se sourit et on demande des nouvelles des enfants, si ils travaillent bien à l'école, ce genre de conneries. Mais ce n'est qu'une supercherie, la seule chaleur qu'il y ait ce sont ces flammes gigantesques et le vin chaud à un euro, pour les profits. Seul le feu est pur dans toutes ces immondices.

Je commençais tout doucement à me demander si ça valait la peine de se battre pour tout ça, parce que c'est bien ce qu'on fait, on se bat, toujours. "C'est la société qui est comme ça, il faut s'y habituer" voilà ce qu'on nous dit, alors on s'y met dès l'enfance, faut pas perdre de temps, et rêver c'est perdre son temps. En primaire, il faut d'abord se battre pour être le meilleur, non pas que ce soit difficile, mais voilà, on ne félicite que le meilleur, alors on est en concurrence. Ensuite vient la secondaire, où la difficulté grandit on ne se bat plus pour être récompensé, ni même félicité par nos parents, eux ne sont jamais content, persuadés qu'on peut faire toujours mieux ils ont oublié leur jeunesse. On se bat pour réussir, parce que plus on y reste plus on déteste ce trou dans lequel on passe nos journées, alors on oublie les plaisirs, on étudie, on veut s'enfuir. Mais ça ne s'arrête pas là. Si on veut vivre ensuite il faut encore se battre, pour être sélectionné parmi tous les prétendants à l'entretien d'embauche, pour être gardé par l'employeur, pour avoir une augmentation, parce que la vie devient chère, pour se sortir des injustices du patron, pour garder le respect de ses gosses qui ne nous voient presque plus. Se battre, toujours. La vie c'est la guerre. Les hippies sont morts.

J'ai doublé mon année, même après des mois j'arrivais pas à "remonter la pente" comme on dit. Et tout le monde me disait la même chose, ils se ressemblaient tous, tas de clones formatés, il faut que je travaille. Ils ne comprenaient pas que je puisse me mettre dans un état pareil pour ta mort, pour eux j'étais devenu un rebelle qu'il fallait remettre sur le droit chemin. Mais voilà, je ne voyais aucune bonne raison pour travailler. Ainsi se passe la vie : On nait on apprend à parler, pour pouvoir aller à l'école. Là on apprend à étudier, pour ensuite étudier un métier. Un métier qui ne nous sert qu'à consommer pour permettre aux autres d'avoir un métier et de consommer à leur tour. On passe des années alors à économiser pour notre retraite, avoir une belle retraite, une belle maison, un beau potager et des petits enfants qu'on voit une fois l'an. Et on attend, on met des sous de coté, parce que la mort approche et qu'on commence tout doucement à y penser, on veut une belle tombe. Le superficiel jusqu'au bout. Naître, apprendre à travailler, travailler, attendre, mourir. Le voilà le miracle de la vie.

Est-ce que tu me vois de là où t'es ? Est-ce que tu existes toujours ou bien est-ce que je parle tout seul ? ça ne fait rien après tout, ça me fait du bien de me confier à toi, te dire toutes ces choses. J'aurais voulu le faire quand t'étais encore là, j'aurais tant aimé me confier à toi, bien qu'à cette époque je voyais encore la vie en rose. Aujourd'hui la vérité m'explose au visage comme une putain de boule puante.ça empeste le souffre partout où je vais, c'est comme ça, je vois désormais le monde tel qu'il est : écoeurant de vide. Grâce à toi.
Lamartine a dit "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé", lui avait tout compris à la vie.
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Alain
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MessageSujet: Re: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitimeMer 2 Avr - 20:34

Il est émouvant ce texte, poignant aussi.
Et même sans concession, c'est d'ailleurs ce qui me plaît le plus.

Je vais ajouter une chose: il n'est pas trop mal écrit (ce qui dans mon jargon veut dire "pas mal du tout"). Je fais partie de trois comités de lecture et ce que l'on y reçoit est souvent de qualité bien moindre que ta nouvelle. Je ne dis pas que ton texte est parfait, il y a toujours quelques petits trucs à corriger, l'une ou l'autre phrase à zapper au risque d'en faire trop...

Au fait, tu es Belge ? Tu parles de Fauvillers à côté de Martelange ?
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Abraxas
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MessageSujet: Re: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitimeMer 2 Avr - 20:46

Je l'ai lu hier à mon meilleur ami... Il a pleuré...
Ce mec... Je l'aime.

Je te remercie pour le compliment que tu me fais, mais aussi pour la critique, j'aime pouvoir m'améliorer, c'est pourquoi n'hésite pas à m'en faire part si tu as une remarque précise.
Il y a bien une phrase trop lourde dont je suis conscient mais que je n'ai tout simplement pas réussi à supprimer ou même à transformer. Pour le reste, j'ne doute pas une seconde qu'il puisse avoir des choses en trop ou même manquante, je dois admettre que j'ai écris cette nouvelle de manière assez expéditive.

Et pour ta question, ouais j'habite à une trentaine de kilomètres de chez toi Wink
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Alain
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MessageSujet: Re: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitimeMer 2 Avr - 20:54

Capitaine Neverland a écrit:
Et pour ta question, ouais j'habite à une trentaine de kilomètres de chez toi Wink

C'est bien ce qui me semblait, remarque j'aurais pu le savoir avant en étudiant un peu plus précisément les coordonnées géographiques figurant dans ta localisation.
Tu vas à l'école où ?
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MessageSujet: Re: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitimeMer 2 Avr - 20:57

Bastogne, à l'Athénée.
Puis j'habite à Sainlez, juste le long de la N4. Comme ça je t'épargne les recherches épuisantes de Google Earth Wink
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MessageSujet: Re: La mort de mon optimisme. (2)   La mort de mon optimisme. (2) Icon_minitime

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