Le 30 mars, à quelques kilomètres de l'internat.
Mon G.,
Dis-moi que tu t'en iras pas. Que dans quelques mois, tu seras là, pas très loin. Que tu iras à l'école en vélo. Que tout cela ne sera pas si loin derrière. Qu'on rira de la veille et la veille serait ces soirées de l'internat. Ces soirées où on se gelait dehors... et qu'importe ? Nous étions deux à geler... Deux à se glacer le cœur brûlant. On m'a dit un jour que la solitude est si agréable à deux.
Dis-moi que tu ne t'en iras pas. Que nous ne serons pas des étoiles filantes... Je ne veux pas te filer entre les bras, je ne veux pas que tu me files entre les cendres de mes yeux. Ils brûlent quand je te vois... partir. Ils brûlent. Et se trouent... tu sais, comme l'acide sur la peau... Ça brûle. Ça troue. Et pi, ça sent mauvais.
Dis-moi que tu ne t'en iras pas. Que l'on ira se promener à vélo. Que je t'accompagnerai à l'école, que je te tiendrai par la main pour que tu ne te perdes pas. Tu me diras... Peu importe ce que tu me diras... Sois là. Tu t'en iras en vélo. Nous nous en irons en vélo. Nous nous en irons à pied.
"Quand les avions en papier ne partent plus au vent,
On s'dit qu'l'bon temps passe finalement..."*
Non. Et moi, je ne le veux pas. Je veux faire voler les avions en papier... Les avions en carton... Les avions en coton... Nous ferons voler les oiseaux blessés, les chauve-souris en plein jour, nous volerons auprès de ceux qui tomberont... rien que pour nous.
Et je t'aimerai.Je tiendrai ta main chaude dans la mienne froide, je te donnerai à sucer des bonbons oranges, et... et... peu importe ce que je pourrai te donner. Sois là. Simplement. Parfois une présence... Sans parole. Et les silences parlent tant. Et les paroles sont muettes. Et une présence... ta présence.
Je ne veux pas dire que "l'on était finalement... des étoiles filantes..."* Je ne veux pas.
Et je t'aimerai comme on aime les cerf-volants.
* Les Etoiles Filantes - Les Cowboys Fringants